La crise monétaire en Turquie 

La crise sanitaire a révélé plusieurs vulnérabilités économiques dans le monde. Parmi ces vulnérabilités, on peut citer une augmentation de la dette liée au renforcement des politiques monétaires et budgétaires, une augmentation de l’inflation qui risque de durer plus longtemps que prévu, une augmentation des prix des actifs et un risque de sortie de capitaux pour les pays émérgents. Ainsi, il est important pour les pays -en fonction des caractéristiques de chaque économie- de construire des politiques économiques appropriées pour contenir ces différents riques. Dans ce petit rapport, nous allons décrire le cas de la Turquie qui se voit dans l’obligation de gérer une crise monétaire aujourd’hui.

Une crise monétaire: une baisse des taux malgré une inflation galopante 

Le cas de la Turquie est très unique. L’inflation est très élevée – ce qui constitute 5 fois plus que l’objectif fixé par la banque centrale qui est de 5% – autour de 21%, ce qui devrait se traduire par une augmentation des taux d’intérêt afin de limiter les pressions inflationnistes et de maintenir une inflation stable. Cependant, dans le cas de la Turquie, le Président Recep Tayyip Erdogan estime que les taux d’intérêt élevés favorisent l’inflation en s’appuyant sur les préceptes de l’Islam qui interdit l’usure pour justifier sa politique, contredisant ainsi les théories économiques classiques. Par conséquent, la banque centrale a abaissé son taux directeur, ce qui a conduit à une dépréciation de la livre. Cette dépréciation a été accentuée par la décision du Président de limoger quatre gouverneurs de la banque centrale depuis Juillet 2019.

Compte tenu de tous ces facteurs, nous pouvons dire que la crise monétaire turque est due à une mauvaise gouvernance de la politique monétaire. En effet, le Président Recep Tayyip Erdogan a limogé le gouverneur de la Banque Centrale de la Turquie, Naci Agbal et l’a remplacé par Sahap Kavciogly, un économiste et homme politique réputé proche du pouvoir central. Par conséquent, la livre turque s’est dépréciée de près de 10% en l’espace d’une journée dès le lundi 22 mars. En outre, le BIST 30 (principal indice boursier turc) a perdu plus de 10%, marquant un recul de la Bourse d’Istanbul et les investisseurs étrangers perdent progressivement confiance dans l’économie du pays. Ces conséquences sont liées à une perte de crédibilité et d’indépendance de la Banque centrale. Rappelons que la crédibilité est la clé d’une politique monétaire réussie, de même des marchés financiers stables permettent de maximiser et d’assurer le bon fonctionnement des opérations monétaires. Ces deux points sont donc à contrôler.

Avec une inflation forte atteignant plus de 21%, le prix des produits alimentaires et de l’énergie sont en hausse, impactant sévérement les ménages les plus modestes.

Réaction politique 

Face à la chute rapide de la monnaie, le chef de l’Etat a mis en place des mesures drastiques pour contrer la dépréciation forte et rapide de la monnaie face au dollar. Il a donc annoncé qu’il puisera dans les caisses de l’Etat pour composer toute dépréciation des dépôts bancaires en livres par rapport au dollar. Cependant, cela risque de baisser les réserves nettes de l’Etat, ce qui peut détériorer sa soutenabilité budgétaire sur le moyen terme. A titre d’illustration, les réserves nettes de l’Etat sont passées de 12,2 milliards de dollars à 8,6 millards en une semaine. En outre, la crise sanitaire a accentué la chute des réserves de change du pays en 2020 en raison de la chute du tourisme.

Ainsi, pour clore ce rapport, il est imporant de souligner les risques d’une baisse des taux dans le contexte actuelle de la Turquie. Cette baisse des taux, si elle est persistante, peut entrainer des pressions inflationnistes importantes qui peuvent entrainer l’économie dans une profonde récession. En effet, cela peut -à travers l’augmentation des prix de l’immobilier- contribuer à un fort endettement des acteurs économiques, une baisse du pouvoir d’achat et menacer la stabilité financière du pays avec une perte de confiance de la part des épargants et des investisseurs internes et étrangers. La banque centrale devrait donc augmenter ses taux d’intérêt pour contrer cette hausse d’inflation. Cependant, le problème majeur du cas de la Turquie est lié à la gouvernance de sa banque centrale. Ainsi, il faudrait donc évaluer la politique monétaire et améliorer la gouvernance afin d’accroitre la crédibilité de la banque et de stabiliser les marchés financiers.

 

 

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