La Finance Comportementale

La finance comportementale est une théorie apparue fin 70 à l’école de Chicago et officiellement reconnue en 2002 grâce à la remise du prix Nobel d’économie aux deux fondateurs de la psychologie cognitive en sciences économiques : Daniel Kahneman (psychologue) et Vernon Smith (économiste) puis d’un second prix Nobel à Richard Thaler.

Cette théorie s’appuie sur les recherches expérimentales en économie dont les méthodes ont été récompensées par un prix Nobel en 1994 pour Reinhard Selten qui est le pionnier en la matière et l’inventeur de la théorie des jeux.

L’objectif de cette théorie est d’analyser les anomalies sur les marchés financiers au travers de la personnalité et la psychologie des investisseurs ainsi que leurs « biais » cognitifs.

Elle permet de trouver des explications lors de récession ou bulles spéculatives. Très récemment, elle a été utilisée pour étudier les chutes des actifs enregistrées sur les marchés depuis le début de la pandémie.

Principes de base

Selon la théorie de la finance comportementale, un investisseur a des « faiblesses » ou points sensibles qui vont « modifier » sa réalité, ou entrainer une interprétation particulière d’une information pour lui faire prendre une décision irrationnelle.

C’est une théorie qui s’oppose à la théorie financière classique selon laquelle l’investisseur est rationnel (ses motivations sont toujours individualistes et utilitaristes) et les marchés sont efficients. Dans ce cas, la psychologie n’est en aucun cas prise en compte et tous les individus analysent une information de la même manière, entrainant un marché à l’équilibre. L’efficience des marchés est une théorie d’Eugène Fama selon laquelle les investisseurs utilisent toutes les informations à leur disposition pour prendre une décision sur le marché, laquelle sera au « juste prix ».

La finance comportementale a pour objectif d’analyser les facteurs susceptibles d’entrainer une prise de décision irrationnelle. Les biais peuvent être :

  • Cognitifs : dans ce cas le raisonnement est bloqué. A titre d’exemple un investisseur refuse d’acheter un titre à un prix de convenance même si le marché est différent que lorsque ce titre a été sorti du portefeuille.
  • Emotionnels : ce type de biais influence l’agent dans sa manière de traiter l’actif. Un héritage sera géré différemment que des revenus strictement fonciers par exemple.

Beaucoup de chercheurs s’intéressent à la finance comportementale, notamment ceux du CNRS. L’objectif est de trouver le bon dispositif politique ou économique pour orienter les comportements. Ce sont en général des tests à faibles couts et où la reproductivité à petite échelle est possible.

Plusieurs pays utilisent justement ces recherches, surtout les anglo-saxons, pour élaborer leurs politiques. Ils utilisent des « nudges » ou coups de pouce en français.

L’objectif est d’orienter en douceur les comportements des individus en fournissant des informations, des recommandations, en faisant des rappels ou en donnant le choix aux citoyens.

A titre d’exemple, pour enrayer les retards de paiement, le Royaume-Uni a décidé d’envoyer des lettres de relance en précisant que la plupart des citoyens de la ville ont payé. Grâce à cela, le pays a réussi à récupérer 289 millions € sur l’année 2012-2013.

En France le recours à ces nudges est faible, l’économie comportementale au sein des économies et des recherches n’est pas encore bien intégrée.

Résultats frappants, trop d’impôt n’est pas profitable pour l’Etat parce qu’il baisse les recettes fiscales. En effet, les individus seront plus tentés de frauder. Pour aller plus loin, des expériences en neuro économie ont démontré qu’un impôt à destination d’une association activerait des zones similaires du cerveau que lorsque l’on gagne de l’argent.

Des recherches ont aussi démontré que les comportements des traders ont un rôle prépondérant sur la volatilité des marchés et l’apparition de bulles spéculatives.

La crise des subprimes ainsi que l’affaire Kerviel ont provoqué beaucoup d’études. La confiance excessive est d’ailleurs un des biais les plus répandus sur les marchés. Il fait prendre des risques inconsidérés aux agents et augmente le risque d’erreur.

Parmi les principaux biais cognitifs, on retrouve :

  • Le biais de confirmation qui est le fait de ne pas prendre compte des points de vue adverses et de se concentrer sur ses propres opinions et sur celles venant soutenir les nôtres.
  • Le biais rétrospectif est la situation dans laquelle l’investisseur est sûr de détenir les règles lui permettant d’anticiper le futur
  • Le biais de disponibilité est celui où l’individu choisi par paresse des informations facilement accessibles
  • L’ancrage mental est de se fier seulement sa première impression. Cela empêche la réception et la prise en compte de nouvelles informations.
  • L’erreur du parieur est aussi un biais fréquent, certains pensent que si une situation s’est souvent produite par le passé, il est évident que qu’elle sera compensée dans le futur (une croissance sur 3 ans va forcément être compensée par une perte).

Concernant les biais émotionnels, on peut citer :

  • L’instant grégaire qui est un comportement mimétique où les agents sont influencés par les autres
  • L’excès de confiance est le fait de surestimer ses capacités
  • Le statut quo où l’agent économique reste sur ses positions sans profiter des opportunités
  • L’effet de disposition, situation où l’individu arbitre plus rapidement les positions gagnantes que les perdantes
  • Le biais affectif est le fait de favoriser des actifs pour lesquels nous avons une image positive (le luxe par exemple).
  • La théorie des perspectives décrit des individus plus sensibles au pertes qu’aux gains. Ceci est lié à l’asymétrie des comportements en fonction des situations de gains ou de pertes
  • La comptabilité mentale est le fait qu’un individu accorde une valeur différente à l’argent en fonction de sa perception. L’exemple le plus connu est le fait que l’on dépense plus par carte bancaire que par espèces puisque nous ne voyons pas en réel l’argent.

La finance comportementale prend aussi en comptes des facteurs externes tels que la météo : une journée ensoleillée va avoir une impact positif sur les marchés. De même lorsque le week-end approche.

Le VIX

L’indice VIX mesure la volatilité anticipée des agents sur les marchés boursiers américains. Un VIX de 5% veut dire que les agents prévoient des variations de 5% sur l’année à venir. Cet indice est fortement lié aux comportements et aux pensées des individus. L’incertitude liée à une politique monétaire ou la peur de la pandémie peut fortement l’influencer.

La hausse de la volatilité ne contient finalement que peu d’informations sur l’économie réelle. Autre facteur, le biais d’illusion d’inflation, certains acteurs sur les marchés ne font pas la différence entre revenu nominal et réel ce qui peut expliquer des réactions irrationnelles.

Le rôle des médias

La théorie de l’efficience des marchés affirme que le marché est en concurrence pure et parfaite et que toutes les informations sont détenues par tous les agents. Bien souvent les médias publient les informations pour que quasiment tous les individus l’aient entendue au moins une fois. Mais ces informations peuvent être « modifiées » par les médias : exagérées ou bien mal expliquées. De plus, l’impartialité manque parfois.

Les algorithmes ?

Les algorithmes sont vus pour certains comme de meilleurs outils puisqu’ils n’ont aucun recours à la psychologie humaine. Ce sont simplement des robots qui, en fonction de données purement mathématiques, vont détecter des mouvements sur les marchés et les exploiter en vue de faire les meilleurs rendements possibles

Written on 04/08/2021

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here